Note liminaire — Pour ceux qui écoutent encore
High Hopes, chanson de clôture de The Division Bell de Pink Floyd, racontait déjà tout :
Les illusions vendues à la jeunesse.
Les chemins qui se séparent.
Les promesses trop grandes pour être tenues.
Et à la fin, le silence d’une cloche dans le lointain.
Ils appellent ça de la nostalgie. Moi, j’y vois le mode d’emploi du mensonge moderne.
On fait croire. On fait espérer. On vend de la lumière en oubliant de creuser des fondations. Et quand tout s’écroule, on demande à ceux qui y ont cru pourquoi ils n’ont pas résisté.
Cette chanson m’a accompagnée comme un avertissement. Mais à la différence de beaucoup, je ne me suis pas arrêtée au refrain.
Je suis remontée jusqu’à l’origine de la promesse. Et j’ai vu ce qu’elle cachait. C’est ce que j’ai écrit ici.
Introduction
"Dans la version originale d’Andersen, la Petite Sirène ne finit pas dans un château. Elle finit en écume."
Elle ne triomphe pas, ne séduit pas, ne sauve rien ni personne. Elle s’efface. Parce qu’elle a refusé de tuer. Parce qu’elle a trop aimé. Parce qu’elle a cru. Et c’est là que tout commence.
Car toute manipulation, qu’elle prenne les habits de l’amour, de la foi, de la loyauté ou de la quête de sens, commence par une croyance distillée dans l’esprit.
Une idée séduisante, brillante, offerte comme un salut. Un mirage qu’on poursuit… jusqu’à s’y perdre.
Dans mon livre À Ma Belle Esclave ou le récit d’une vie volée, j’ai exposé ces mécanismes en m’attaquant aux structures mentales les plus puissantes : religion, Franc-Maçonnerie, ésotérisme, spiritualité, sans oublier la politique.
Tous ces systèmes ont en commun une chose : ils promettent. Et ce qu’ils promettent suffit, parfois, à dominer sans jamais lever la main.
Aujourd’hui, je reprends ces thématiques. Mais je les aborde autrement, avec d’autres symboles : la sirène, le mirage, la promesse comme piège. Et l’écume comme seule issue pour ceux qui n’ont pas vu venir la lame sous la vague.
On m’a prise pour une sirène. On m’a prêté des chants, des charmes, des intentions. Mais je ne chante pas. Je débriefe. Et ce texte est un scalpel. Froid. Précis. Nécessaire.
I. La croyance : point d’entrée de l’emprise
Ce n’est jamais par la force que l’on entre dans un esprit. C’est par la faille. Et cette faille a toujours un nom doux : espoir, idéal, amour, élévation, sens.
Personne ne s’enchaîne à une cause, à une figure ou à un discours par masochisme. On y entre volontairement, parce qu’on nous a tendu une idée brillante, un récit réconfortant, une vérité qui semble plus vraie que la réalité elle-même.
C’est là que se loge le germe de la manipulation : dans le besoin humain de croire.
Les plus habiles manipulateurs ne se contentent pas de flatter ou de séduire : ils fabriquent des croyances, puis s’arrangent pour que vous les nourrissiez vous-même.
Ils vous donnent la première pierre — et vous bâtissez seul votre prison.
Religion, franc-maçonnerie, ésotérisme, politique, développement personnel, couples toxiques… les formes changent, le mécanisme reste le même :
- on vous vend une promesse. 
- Vous souffrez ? C’est pour une raison supérieure. 
- Vous doutez ? C’est une épreuve. 
- Vous vous éloignez ? Vous trahissez quelque chose de sacré. 
- Alors vous revenez. Et vous y laissez un peu plus de vous, à chaque fois. 
Ce qu’on vous donne n’est pas une vérité : c’est une boussole truquée, qui vous mène toujours dans la même direction — celle qui sert l’autre.
Et pendant que vous poursuivez la lumière, on vous dérobe tout le reste.
II. Le mirage : maintenir l’illusion, entre espoir et culpabilité
Une fois la croyance installée, il ne reste plus qu’à l’entretenir. Non pas en la renforçant frontalement — ce serait trop visible. Non, il faut la maintenir en tension. La tenir à distance.
Suffisamment près pour qu’elle reste désirable, suffisamment loin pour qu’elle reste inaccessible. C’est là qu’intervient le mirage. Le manipulateur devient alors faiseur de mirages.
Il construit des images, des perspectives, des récompenses conditionnelles.
"Tu verras, bientôt ça ira mieux."
"Tu es presque prêt(e)."
"Tu n’as pas encore mérité."
Et c’est toujours presque.
Le mirage est ce trésor que l’on aperçoit au loin, mais qui recule à chaque pas. Et quand on commence à douter, on ne remet pas en question le mirage… on se remet en question soi-même.
C’est là que la culpabilité prend le relais.
"Si je n’ai pas atteint l’objectif, c’est que je ne suis pas assez bon(ne), pas assez croyant(e), pas assez dévoué(e), pas assez fidèle."
Alors on redouble d’efforts. On s’épuise à courir après une chimère. Et le manipulateur, lui, n’a plus rien à faire : vous êtes devenu votre propre gardien.
C’est ainsi que fonctionne le couple toxique, la secte feutrée, la carrière-piège, le culte de la minceur ou la spiritualité à géométrie variable. On vous fait croire que vous manquez encore de quelque chose.
Et pendant que vous cherchez la solution à l’intérieur de vous, c’est toujours l’autre qui détient la clé — ou plutôt, qui s’assure que vous ne la trouverez jamais.
III. La sirène : image projetée, identité déformée
Lorsque la croyance est implantée et le mirage solidement en place, il ne reste plus qu’à modeler l’image de la cible. Non pas en modifiant ce qu’elle fait, mais en travestissant le sens de ses actes. Le manipulateur ne cherche pas à corriger le réel — il le raconte autrement, pour qu’il serve son propos.
C’est là qu’intervient la figure de la sirène. Troublante, insaisissable, ambivalente. Jamais tout à fait innocente, jamais totalement coupable. Elle est une image idéale pour projeter ses fantasmes ou ses soupçons, selon les besoins du récit.
On m’a attribué ce rôle. Non pas parce que je chantais — mais parce que je refusais de me fondre dans le décor. Parce que je dérangeais. Parce que je n'entrais dans aucune case. On m’a prêté des intentions, inventé des motivations.
Si je cherchais du travail, c’était pour racheter une faute.
Si je n’en trouvais pas, c’est que je sabotais moi-même toute tentative.
Et aujourd’hui, si je nage avec discipline et passion, ce serait pour maigrir.
Voilà comment on salit un élan. Comment on neutralise une démarche forte en la réduisant à un cliché confortable : " Elle nage pour mâter des corps d’athlètes. Elle veut juste rentrer dans un maillot."
Je nage pour tenir debout. Pour respirer dans un monde qui m’étrangle. Parce que c’est là, dans l’effort, que ma résistance prend corps. Et ce n’est pas d’aujourd’hui.
Et cela, précisément, est insupportable pour ceux qui ont tenté de me briser. Alors ils manipulent la perception extérieure. Ils intoxiquent le regard social. Ils tordent le réel pour mieux se donner raison.
Mais la vérité, c’est que ce qu’on ne comprend pas, on le travestit. Et ce qu’on ne peut pas contrôler, on cherche à salir, pour ensuite ne faire plus semblant de rien quand les regards se retrournent contre eux.
IV. L’écume et la lame : fin de l’illusion, retour à soi
Il arrive un moment où le mirage cesse de briller, non parce qu’il disparaît mais parce que l’œil, enfin, cesse de le chercher.
Ce moment-là est brutal. Il ne ressemble pas à une délivrance. Il n’y a pas de lumière. Pas de récompense. Juste une prise de conscience nue, parfois violente : le rêve était un piège. La croyance, une cage dorée. Le chant, un leurre.
Et l’on se retrouve seul, au milieu des ruines — avec pour seule compagne, l’écume.
Andersen l’avait écrit sans détour : la petite sirène, ayant refusé de tuer pour se sauver, se dissout dans la mer. Elle devient écume. Non pas par faiblesse, mais par intégrité.
Parce qu’il y a des lignes que l’on ne franchit pas, même pour survivre.
Mais ce que les manipulateurs n’avaient pas prévu, c’est que cette écume-là laisse des traces. Qu’elle adhère à la coque des systèmes comme une mémoire vive. Qu’elle ronge le vernis, attaque la peinture, révèle les fissures.
Ce que j’ai vécu n’a pas fait de moi une victime résignée. Cela a affûté mes perceptions. Raffermi mes gestes. Et transformé le silence en scalpel.
Je suis cette écume qu’ils pensaient dissoudre. Mais je suis aussi devenue la lame qui gratte.
Celle qu’on ne voit pas venir. Celle qui finit par faire couler les bateaux trop pleins de leurs propres mensonges.
Conclusion
On m’a prise pour une sirène. On m’a observée, interprétée, travestie. Mais ce n’est pas moi qui chantais. C’est eux qui s’inventaient une mélodie, pour ne pas entendre la dissonance de leurs propres actes.
Je suis une sirène de contrebande. Une qu’on n’exporte pas, qu’on ne vend pas sur papier glacé. Je n’ai pas été conçue pour séduire, mais pour résister. Une écharde dans leurs légendes.
Ils m’auraient voulue silencieuse. Dissoute. Éteinte dans l’écume. Mais je suis restée.
Et cette écume, ils la retrouvent aujourd’hui sur leurs discours, leurs dogmes, leurs certitudes. Elle les irrite. Elle gratte. Elle ternit le vernis.
Ce texte est un fragment de cette écume. Un éclat de mémoire. Une lame d’après naufrage.
Qu’ils s’y cognent, encore et encore. Tant qu’ils insisteront à fabriquer des mirages, je continuerai de les dissiper, sans chant, mais avec style.
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